Quand le design et la technologie sauvent des vies en Afrique
D’après l’OMS, l’Afrique subsaharienne compte seulement 2 médecins pour 10.000 habitants (32/10.000 en Europe). Alors que sa population est amenée à doubler d’ici 2050 et qu’elle fait toujours face à des maladies virales meurtrières (VIH, paludisme, malaria …), elle doit désormais affronter de nouvelles maladies non virales liées à la transformation des modes de vie. Le manque de personnel qualifié s’ajoute à un problème plus structurel d’infrastructures qui résulte en un accès aux soins particulièrement difficile, tout particulièrement pour les ruraux (En Côte d’Ivoire, un patient parcourt en moyenne 177,7 Km pour se faire soigner).
Pour autant, des idées il y en a. Lumière sur 3 solutions simples, imaginées en Afrique pour répondre à des problèmes compliqués.
Idée #1 - La connectivité pour combler le manque de cardiologues en Côte d’Ivoire
Cardio+, c’est une plateforme digitale. Sauf que celle-ci, elle sauve des vies.
Le manque d’unités cardiaques spécialisées en Côte d’Ivoire conduit parfois les habitants des zones reculées à parcourir des centaines de kilomètres pour se faire soigner. En parallèle, l’évolution des modes de vie a causé la généralisation de maladies cardiovasculaires fatales, faute de diagnostic rapide. L’idée de Cardio+ est simple, permettre aux personnes vivant dans les zones reculées de bénéficier d’un diagnostic cardiaque rapide, au plus près de chez elles et ainsi éviter des complications évitables.

Cardio+ relie des unités de soins locales à un centre de télémédecine spécialisé dans le diagnostic des maladies cardiaques, lui-même relié à un réseau de 22 hôpitaux et de nombreux spécialistes à travers le pays.
© David Esnault (AFP)
Cette plateforme permet donc à des techniciens dans des zones reculées de réaliser des examens simples tels qu’un électrocardiogramme, de communiquer les résultats de l’examen à l’unité de télémédecine du CHU de Bouaké, qui les traite et les communique à un réseau de médecins spécialisés à travers le pays, capables de réaliser des diagnostic précoces et de suivre les malades à distance.
De partout en Afrique, les infrastructures de télécommunication se développent. Souvent promues par la Chine (et posant sans doute des problématiques à venir de gouvernance autour des données), elles permettent néanmoins aux populations vivant dans les zones rurales de bénéficier d’un accès à internet de plus en plus fiable et répandu, permettant le déploiement de solutions comme Cardio+. Au Sénégal et au Burkina Faso, des startups mettent au point des dispositifs similaires pour le suivi des maternités.
Idée #2 - Le design pour lutter contre la mortalité des nourrissons prématurés au Cameroun
Le fab lab de AUI Techno, à Yaoundé, a pour objectif de “réunir les meilleurs talents d’ingénierie et de design pour concevoir des solutions porteuses de sens et 100% camerounaises” d’après son fondateur Serge Armel Njidjou.
A l’heure où le Cameroun ne disposait que de 100 couveuses prénatales pour l’ensemble du pays et où on estimait que 15.000 décès annuels pouvaient être évités avec le matériel adéquat, AUI Techno s’est lancé en 2018 dans la conception d’un prototype camerounais facile à entretenir et adaptées aux problématiques très locales (absence totale ou partielle d’électricité).

Ses spécificités ? Il a été entièrement pensé pour répondre à une problématique locale en utilisant des matériaux que l’on peut trouver et réparer facilement au niveau local.
La couveuse est capable de fonctionner à l’énergie solaire et dispose d’une batterie de secours, elle est adossée à une application interactive sur smartphone qui guide le médecin tout au long du suivi du nourrisson de façon à lui permettre de suivre d’autres enfants en parallèle et enfin, d’un point de vue technologique, une caméra et des capteurs que l’on retrouve dans tous nos smartphones.
La couveuse a été testée et déployée à Yaoundé et dans d’autres régions du Cameroun. Elle a récemment reçu plusieurs prix et récompenses pour permettre son déploiement à l’échelle, dans les pays qui font face aux mêmes problématiques.
Idée #3 - Un mapping digitalisé pour organiser la distribution de filets anti-moustiques à 13M de Béninois en 15 jours
C’est un véritable exploit mobilisant plusieurs partenaires et utilisant une méthodologie unique qui a permis au Bénin la distribution de filets anti-moustiques imbibés de produit anti-malaria à la totalité de sa population en 15 jours afin de lutter contre la propagation de la maladie.
Anticipant les phases de confinement liées à la propagation du COVID, le gouvernement du Bénin et le Secours Catholique ont mis en place un programme pilote afin de distribuer des filets anti-moustiques dans une région du Nord du pays. Après le succès de cette opération, le programme a été étendu à l’ensemble du pays. Son succès repose sur deux éléments clés :
-
Un mapping digitalisé de l’ensemble des foyers du pays
-
Un algorithme de modélisation orchestrant l’ensemble des opérations de terrain
Dans un pays où toute la population n’est pas identifiée officiellement par le gouvernement, le mapping a été rendu possible grâce à la société spatiale Maxar qui a fourni des images satellites haute résolution permettant d’identifier l’ensemble des foyers du pays, même les plus reculés. Ces données ont ensuite été traitées par les analystes du Secours Populaire, qui à leur tour ont construit une modélisation géographique des zones habitées pour structurer la distribution des filets.

A mother stands with her children after receiving mosquito nets as part of the nation's first digitized mosquito net distribution since the COVID-19 outbreak began in Cotonou, Benin on April 20, 2020.
En parallèle a été conçu un algorithme permettant d’optimiser la distribution des filets. Ce modèle de distribution logistique est rendu disponible par une interface qui coordonne les opérations de terrain et permet facilement d’identifier les populations n’ayant pas reçu leur filet.
En 16 jours donc, +7,5M de filets ont été distribués à plus de 13,5M de personnes, dans 3M de foyers distincts. Une couverture de 94% de la population.
Et si on imaginait la distribution tout aussi efficace de filets de moustiques à l’échelle du continent ? Et si on remplaçait les filets de moustiques par des médicaments ou des vaccins ?