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[Modèles économiques] - Comment faire de la franchise un levier pour déployer rapidement des solutions locales à des problèmes globaux ?

Leçons du modèle avec James Van der Walt, entrepreneur récidiviste et fondateur de Solar Turtle Energy.

Comme de nombreux modèles économiques, le modèle de franchise en Afrique mérite d’être appréhendé avec de nouvelles lunettes. Appliqué aux startups à impact, le modèle de franchise peut devenir un levier intéressant pour répondre avec agilité à une problématique de développement partagée.  

 

Dans les économies développées, le modèle de franchise est pertinent lorsqu’une entreprise établie jouissant d’une marque forte et désireuse de s’étendre géographiquement rencontre un public d’entrepreneurs souhaitant investir avec un risque minimum. 

 

En Afrique, la logique est différente. Le manque d’éducation et de culture entrepreneuriale des populations visées, les difficultés d’accès aux financements et les dynamiques d’économie informelle bien en place localement sont autant d’obstacles à contourner pour rendre le modèle occidental facilement transposable. 


Pourquoi donc s’intéresser à ce modèle si particulier ? Surtout car il peut permettre de déployer rapidement une solution à une problématique de développement partagée (électrification, connectivité, accès à l’eau…), avec agilité et adaptabilité, tout en créant une valeur durable, pour tous.

                                                  

                               La value loop, théorisée par Fabernovel et illustrée par Alice Jug

 

 

Envie d’en savoir plus, n’est-ce pas ? Et bien nous avons rencontré James, ingénieur et entrepreneur à série dans l’ESS en Afrique et fondateur de Solar Turtle Energy. Après 4 années à diriger ST, la COVID a eu raison de son enthousiasme et l’aventure s’est arrêtée. Cependant, hors de question de jeter le bébé avec l’eau du bain ! James a accepté de nous livrer son retour d’expérience riche en enseignements !

 

 Solar Turtle, c'est quoi ? 

C’est un projet innovant qui vise à apporter une solution d’électrification et de connectivité à des populations rurales isolées, tout en offrant de l’emploi et des perspectives entrepreneuriales aux mêmes communautés. 

 

Le premier élément intéressant à retenir du développement de ST, comme pour beaucoup de startups qui tentent d’apporter des solutions technologiques au monde rural, c’est le processus de design qui a permis d’aboutir à la solution dans sa forme finale. 

 

Quand on parle d’innovation, la technologie ne représente que 10% du travail. La faire adopter par les communautés, les inciter à travailler et entreprendre … C’est là qu’a résidé notre principal challenge”

 

Solar Turtle a mis au point 3 solutions différentes avant d’aboutir à celle qui présentait le plus de potentiel, dont les points clés sont décryptés ci-dessous. Le nom d’origine venait de la première solution imaginée : un Kiosk volumineux mais mobile, qui s’implante dans les villages et permet l’installation d’un commerce, d’une chambre froide, d’un café ou même d’une petite entreprise. Point noir, ce modèle devait être transporté en camion, sur des infrastructures routières peu sûres, faisant considérablement augmenter les coûts de déploiement.

Le second modèle imaginé s’appelait Mini Turtles. Plus petit et plus mobile, ce modèle promettait de réduire considérablement les coûts de déploiement. Une nouvelle difficulté apparaît alors, celle de la sécurité. En effet, sur des structures à taille humaine, les panneaux photovoltaiques et autres composants coûteux se retrouvaient exposés au vol, malheureusement trop fréquent en Afrique du Sud, et obligeait les entrepreneurs à déplacer quotidiennement la solution en lieu sûr. 

Enfin, le dernier modèle imaginé, Baby Turtles, représentait la solution idéale dans ce contexte. Beaucoup plus légère, entièrement standardisée, équipée d’un logiciel, elle ne se concentrait plus que sur le rechargement mobile et la connectivité internet, mais permettait un déploiement rapide à bas coût de ses solutions. 

Outre le processus de design qui a permis à James et ST d’aboutir à une version utile, pragmatique et qui répond aux difficultés opérationnelles auxquelles il était confronté sur le terrain, le modèle de franchise mis en place correspondait parfaitement aux enjeux stratégiques auxquels il faisait face d’un côté et à son ambition philanthropique de l’autre. 

 

Revenons en détails sur ce qui fait la force de ce modèle et quels enseignements on peut tirer à travers l’illustration de Solar Turtle. 

 Quand est-ce que ce modèle est intéressant ? 

 

  • Marché - Les cibles de la solution sont les communautés vivant dans les zones rurales africaines non électrifiées. Il existe des similarités importantes entre ces communautés présentes en Afrique du Sud, en Namibie, au Zimbabwé et dans l’ensemble de la région de l’Afrique australe avec des populations aux revenus comparables, une langue commune et des problématiques similaires d’accès à l’électricité et à internet dans les zones rurales. 
     

  • Business strategy - Ces dernières années, de très nombreuses startups tentent de répondre à cette problématique. L’an dernier, les startups africaines du secteur ont levé plus de 150 millions de dollars pour accélérer leur développement. Solar Turtle se situe donc sur un marché très concurrentiel avec un enjeu de time-to-market important impliquant la nécessité de mettre en place une stratégie d’expansion géographique rapide.
     

  • Produit - Des solutions standardisées et facilement reproductibles. Une technologie simple qui implique une maintenance légère et une appropriation rapide par le propriétaire entrepreneur. 

 

 Pourquoi ce modèle est intéressant pour ST ? 

 

  • Business model - Le business model est intéressant pour Solar Turtle car il permet une ligne de revenus récurrents grâce à la location ou la vente en leasing des solutions, auxquels s’ajoute un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par le partenaire-entrepreneur. Solar Turtle assure par ailleurs la maintenance et le remplacement des solutions défectueuses parmi la flotte en activité. Les revenus sont donc presque directement proportionnels au stock de solutions déployées, faisant de ce modèle l’illustration parfaite du win-win. 
     

  • Adaptation locale et expansion - Ce modèle de franchise est également pour ST la garantie de s’appuyer sur des “vendeurs” au plus proche du terrain et de leurs clients. En leur permettant de s’émanciper par l’entrepreneuriat, ST offre une formation et une garantie d’emploi à des personnes qui en sont éloignées, tout en garantissant une proximité avec les communautés ciblées et une adaptation de ses processus de commercialisation au contexte local
     

 

Pourquoi le plan de Solar Turtle n’a-t-il pas fonctionné ? Une dimension difficilement tangible et pourtant une composante incontournable de ce modèle de franchise : la culture.

La stratégie et le design bien pensés n’ont pas suffi pour faire de Solar Turtle un succès. Est-ce une raison pour James de tirer une croix sur ce modèle de franchise, appliqué précisément à des problématiques de développement ? Pas du tout. Pour lui la raison de cet échec est ailleurs. 

 

Dans les townships, les gens manquent de culture entrepreneuriale. Ils ne cherchent à travailler que pour générer des revenus suffisants à leur survie à très court terme. C’est un fait culturel majeur que nous avons découvert et qui nous plaçait face à des horizons de temps que nous ne pouvions pas nous permettre avec nos moyens financiers et en particulier en temps de COVID. Les ressources à déployer pour aller dans les townships, informer la population, la convaincre étaient considérables par rapport aux résultats que nous en tirions. Les gens répondaient présents, tant qu’ils pensaient qu’on leur offrirait un travail, mais dès qu’ils comprenaient qu’il s’agissait d’entreprendre, de prendre des risques, les trois quarts de l’assemblée se disersaient. 


“Il y a d’autres régions en Afrique où la culture entrepreneuriale est plus présente au sein de la population rurale et où les problématiques de développement sont sensiblement les mêmes. Là-bas le modèle de franchise peut fonctionner et s’avérer payant ! Ici je considère que nous avons planté les graines nécessaires à un changement culturel qui ne s'opérera que d’ici plusieurs générations.”

James reste enthousiaste par rapport au modèle de franchise, il regarde son aventure avec philosophie en se disant qu’il aura sans doute permis d’inspirer des générations futures d’entrepreneurs. Chez Sendemo, on a envie d’y croire aussi. Et aussi de vous donner les clés pour reproduire ce modèle, ou seulement certains aspects, avec succès.

 Comment ça marche en 4 points clés 

 

  • Modèle opératoire - Repose sur une simplification maximum du modèle opératoire, induite par des produits standardisés et robustes. En effet, le risque principal pour Solar Turtle est que ce modèle nécessite un investissement en temps pour accompagner les partenaires entrepreneurs (entreprenaires). ST doit assurer la supervision de plusieurs entrepreneurs aux situations comparables et la gestion d’une flotte étendue de solutions en location. En parallèle, la maintenance opérationnelle et le remplacement du matériel posent également des risques financiers qui sont à maîtriser et qui impliquent une gestion stricte de son rythme de production et donc de ses finances. 

  • Accessibilité - La stratégie de pricing est fondamentale pour garantir le succès du modèle de franchise. Elle doit être réfléchie pour offrir aux partenaires entrepreneurs une capacité d’investissement et de constitution de stocks suffisamment importante pour permettre à ST l’expansion souhaitée au rythme souhaité. Fondamentale mais pas suffisanteEn effet des efforts supplémentaires sont à envisager pour faciliter l’accès des partenaires entrepreneurs aux solutions. S’adressant à des personnes sans capital ni garanties bancaires, Solar Turtle doit par exemple consacrer du temps à l’assistance administrative de ses partenaires, dans la constitution de leur société, leurs demandes de financement, etc.

  • Le logiciel au coeur du processus de standardisation - Pour aller plus loin dans la standardisation de ses produits et l’autonomisation des entreprenaires, l’alliage du software au hardware est souvent judicieux. Solar Turtle utilise les pleines capacités du logiciel pour inclure dans ses solutions des features clés permettant de simplifier considérablement la gestion de sa flotte, et la gestion de son business par l'entrepreneur (solution de gestion comptable et financière, modules spécifiques permettant une automatisation des opérations et une autonomisation des entreprenaires).

  • Formation et autonomisation - Concevoir des produits nécessitant peu de maintenance et de compétences n’est pas suffisant. Solar Turtle a développé des modules de formation spécifiques, accessibles directement depuis l’OS (operating system) accompagnant ses solutions, conçus permettre aux entreprenaires d’acquérir les compétences de base afin d’éviter les écueils les plus communs de l’entrepreneuriat et les aider à assurer leur longévité, elle est après tout bénéfique à toutes les parties.


 

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